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Compagnie Ecorpsabulle
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26 décembre 2007

L'art, raison de la politique

Les nouvelles qui nous parviennent concernant le prochain budget de la culture pour l'année 2008 sont chaque jour plus préoccupantes. Comment ce ministère qui n'aura plus aucune marge de manoeuvre pourra t'il mener une quelconque politique digne de la France? Au point que l'on peut se demander si un projet de démantèlement du ministère de la Culture ne serait pas à l'oeuvre?

Pour freiner les dépenses de l'Etat français supposé en faillite, l'une des hypothèses serait de réduire son périmètre d'intervention, et le ministère de la Culture ferait partie des maillons faibles. Tout un courant idéologique pourrait renforcer cette résolution, un courant qui associe par exemple dans une même détestation le théâtre public et le rôle de l'Etat à travers son ministère jugés trop lourds de sens et gaspilleurs d'argent public. Le théâtre et tous les arts publics comme le ministère de la Culture sont en butte à des attaques répétées tantôt au nom de la modernité libérale, tantôt contre une prétendue violence symbolique que l'Etat exercerait sur l'art. C'est une inquiétante cécité qui frappe les observateurs issus du ministère de la culture lui-même, qui semblent ne rien voir de l'explolsion des arts vivants et de toute la nouvelle dynamique d'une décentralisation foisonnante qui a démultiplié les lieux de spectacles et les festivals de toutes sortes. Le gouvernement s'attaque donc à ses institutions par une réduction drastique des subventions qui va toucher leur budget artistique et donc entraîner la diminution des soutiens que ces mêmes institutions apportent aux artistes les plus indépendants et les plus fragiles. Par un inquiétant retournement, c'est l'Etat lui-même qui désaccrédite ses institutions qu'il a pour mission de pérenniser et qui désymbolise ses fonctions les plus essentielles, notemment la désignation d'un espace public pour tous susceptible de corriger les dérives du marché de la consommation culturelle. Le président de la République parle d'obligation de résultats. Mais ignore-t-il que le public est constitutif de notre travail? Chaque jour, les directeurs comme les artistes sont confrontés au "résultat". Et quel acteur, danseur, musicien n'a pas connu des nuits blanches et des dépréssions lorsque le public n'était pas au rendez-vous? Une obligation de résultats signifierait-elle que la création artistique doit s'assujettir à l'audimat ou à une politique de rentabilité financière? Paradoxalement, les coupes budgétaires annoncées pour 2008, qui vont réduire les budgets de tous les lieux de spectacles de façon égalitaire, sont le démenti flagrant d'une prétendue politique du résultat. Qu'en sera-t-il pour tous ces nouveaux territoires de l'art qui ont pris les friches industrielles, la rue et tous les espaces urbains comme espace de représentation, eux qui fonctionnent la plupart du temps sur la gratuité? Certes les collectivités locales sont trés présentes, mais le ministère de la Culture joue un rôle déterminant de désignation et d'impulsion, même pour les fabriques des arts urbains.Ces mêmes collectivités publiques se sont investies depuis longtemps, mais c'est à ce ministère qu'il appartient de redonner sens à la part "non rentable" de l'activité humaine, celle de l'art et de la culture, sans laquelle aucune société ne peut tenir debout, c'est là sa vraie "rentabilité" et son obligation de résultats. Le rôle du ministère de la Culture en France semble minime par ses moyens mais il est grand par sa force de symbole et cela depuis sa création par André Malraux. Il est aussi là pour nous rappeler que la politique est un art, peut-être le plus noble de tous, et pas seulement une affaire de gestion et de business. Le ministère de la Culture, c'est un peu l'âme d'un gouvernement, c'est à travers lui que va se lire l'attachement historique de notre pays aux arts, à la culture, à la mémoire, à la création et à son rayonnement à l'étranger. Il contribue à donner du sens à l'action de ceux qui nous gouvernent et aussi la hauteur de vue et la force visionnanire dont ils ont besoin. Les grands hommes d'Etat ont tous été des hommes de culture. De Gaulle, Pompidou, Mitterand...Tous ont fait du ministère de la Culture le lieu emblématique de leur politique tant nationale que mondiale. Mais les élites, tant économiques que politiques, semblent aujourd'hui encore plus affectées par les phénomènes de déculturation que le reste de la population, la "people maladie" les a contaminées et a dégradé leurs relations avec l'art et la culture. Le réel a changé, bouleversé par la révolution culturelle libérale avec ses inventions prodigieuses et aussi ses effets pervers. Elle entraîne des mutations psychiques et physiques déterminantes chez les individus et peut-ête même des modifications anthropologiques. Il est grand temps d'évaluer ces mutations, ce qui meurt comme ce qui va naître, car tout ce qui dégrade la culture risque de nous rejeter un peu plus vers la grégarité d'un troupeau d'ego dont les besoins de consommation créés par le marché sont infinis. Ni les artistes ni les décideurs culturels n'attendent tout de l'Etat, de nombreux partenaires sont apparus (à l'exception du partenariat d'entreprise qui n'a pas progréssé en France depuis dix ans!), mais supprimer le ministère de la Culture et ses délégations régionales serait une bien maigre économie (trés en dessous du 1% du budget de l'Etat) pour de bien grands dégâts.

Jacques Blanc, directeur du Quartz, scène nationale de Brest LIBERATION V30/11/07

Et, encore au sujet de la politique culturelle http://lacontrelettre.over-blog.com la lettre de mission de N. Sarkozy à C. Albanel devient la contrelettre des citoyens libres.

Un livre sur Robyn Orlin vient de paraître, Robyn Orlin fantaisiste rebelle par Olivier Hespel http://www.editions-attribut.fr

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Commentaires
T
Matthieu a mis des photos de vous sur son blog et elles sont très chouettes ! cadeau de fin d'année super salut bises M
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T
Chère Lol je vous lis de la suiise où la situation économique est florissante et où les dirigeants tes de ce pays veillent à remplir les caisses de l'état au lieu de les vider à des fins personnelles .Que celà ne mine pas votre moral VIVE LES ARTISTES et qu'ils vivent aussi de leur art respectif...gros bisous à vous tout toutes
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